Plaidoyer pour un changement du système pédagogique national

Une méthode collaborative pour un processus partagé

Les derniers résultats de l’enquête PISA sont sans appel : la France est incapable de soutenir une politique de réduction des inégalités, elle est incapable de former sa jeunesse à la hauteur du pays et même des moyens accordés : 21ème en compréhension de l’écrit (même si la langue française est de par sa complexité un outil de domination des élites) et 26ème en sciences. Loin de vouloir mettre au même niveau le Japon (2ème au classement global) et la France (26ème), notamment car les pressions exercées ne sont pas les mêmes et c’est tant mieux, il est nécessaire de s’interroger sur nos méthodes pédagogiques. Loin de vouloir imposer une proposition unique et miracle, il est au contraire nécessaire de réfléchir, chacun à son échelle, à l’évolution de ce système et à la mise en place de processus pour trouver des solutions.

Comment changer notre système ?

Personne n’est en mesure de prétendre avoir la vérité absolue sur les méthodes à adopter. La Finlande, Singapour, la Suède ou bien les États-Unis ne sont pas la France et y appliquer les mêmes solutions sans réflexion sur la réalité de nos institutions ne peut pas fonctionner. Personne n’a les capacités pour assumer l’entièreté d’une telle gestion, et c’est ce constat qui pousse à avoir une approche différente d’un projet efficace pour la France : il est nécessaire d’avoir un système collaboratif entre tous les acteurs de l’éducation pour co-construire de telles décisions.

De plus, étant donné l’évolution du paradigme social français et mondial au cours de ces dernières années notamment sur le sujet de la jeunesse, il est difficile de plaider pour un retour en arrière des méthodes. Quant aux expérimentations déjà existantes (notamment menées par Céline Alvarez), elles ne semblent ne pas prendre en compte la motivation du professorat, mais aussi la motivation des élèves. Elles ne prennent pas non plus en compte les nécessités de dépenses à un niveau national d’une application généralisée. Autrement dit, les expériences menées actuellement souffrent de problèmes de représentativité malgré tout l’intérêt qu’on peut y porter. Elles souffrent également du manque de reproduction et de la non-mutualisation des observations qui en découle. Aujourd’hui, de nouveaux outils numériques existent, ils permettent notamment le développement de la mise à disposition de données et de savoir quasiment en temps réel, et permet d’expérimenter de nouveaux modèles d’interactions sociales : open source, économie collaborative, contributive, mise en réseau, et tant d’autres modèles des plus efficaces pour user de l’intelligence collective. Il s’agit là d’une occasion idéale pour que la France trouve sa voix et sa voie dans les méthodes pédagogiques à explorer. Nous devons mettre en place un système de mutualisation des observations et des expérimentations, sur un modèle scientifique, et en contribution libre par tous les acteurs de l’éducation nationales, élèves compris.

Application et mise en place

Un système de gestion en pair-à-pair, basé sur les observations de l’ensemble du corps éducatif est aujourd’hui la seule solution pour faire le choix des meilleures techniques pour le système français. S’inspirant de Wikipédia et du système de recherche international, on peut facilement imaginer un modèle de fonctionnement

  • Une collectivité territoriale, un établissement ou un professeur pourrait contribuer à la construction d’un ensemble de ressources en faisant part de leurs observations concernant une pratique, rentrant ou non dans le cadre d’une expérimentation (L-401.1) mais aussi l’installation de nouveaux outils matériels, la mise en place de projets de classes etc, avec pour conditions principales l’accord des élèves et le principe de réversibilité
  • Ces observation seraient synthétisées sous forme de rapports répondant à des critères précis : outils utilisés, description de la méthode testée, coût et ressources nécessaires, retours des élèves, des parents, efficacité, désavantages…
  • La création de cette base de données et d’une plateforme collaborative seraient coordonnées par les inspecteurs académiques dont le nouveau rôle serait de contrôler et d’analyser le flux et la pertinence des informations (ce qui comprend bien entendu des approches sur le terrain).
  • La faisabilité/validité de l’expérience une fois faite de façon représentative serait jugée par un ensemble de jurés issus du corps éducatif.
  • l’hétérogénéité des âges, des origines sociales et des savoirs sont un facteur fondamentalement positif de l’apprentissage que l’État doit encourager ;
  • Il faut reconstruire la communauté des adultes autour de celle des enfants, adolescents et jeunes dans l’école. En pratique, mettre fin à la séparation entre le pouvoir pédagogique (Éducation Nationale) et le pouvoir logistique scolaire (collectivité locale). L’organisation des responsabilités entre les parents, les enseignants et l’environnement social, y compris les entreprises, doit faire l’objet de débats publics dont la responsabilité et l’animation doivent être confiées aux élus locaux ;
  • Au niveau national, l’État devrait avoir une fonction de recherche, d’analyse et de diffusion des données.

Cette mise sur l’intelligence dynamique, collective et de terrain plutôt que sur un système centralisé servira notamment à mutualiser les efforts et les initiatives, à définir quelles méthodes sont les plus efficaces, qu’il s’agisse de matériel, d’approche pédagogique, de notation- ou pas ! etc, et à s’adapter plus rapidement et efficacement aux problèmes d’actualité (événement, “modes”…). Avec un système géré en pair-à-pair sur un modèle régulé, le factuel et les expérimentations se formeraient à la fois en soutien de l’innovation et en rempart du dogmatisme. Les méthodes Montessori, Freinet, la Communication-Non Violente, ou encore la médiation par les pairs seraient alors testées sur des méthodes rationnelles et objectives

Pour quels effets ?

Une telle méthode permettrait d’avoir les données nécessaires pour faire évoluer

  • La base de données mise à disposition du corps éducatif pour alimenter les cours et la vie de l’établissement
  • Les pédagogies recommandées au niveau national
  • Le système d’évaluation, et d’orientation
  • La formation initiale et continue du corps éducatif, qui serait basé sur une synthèse des pratiques les plus efficaces
  • Les dépenses de l’éducation nationale

Il s’agirait donc d’un changement radical de l’ensemble du système éducatif français, d’une décision de l’intelligence collective face à un système hiérarchique issu des ministères, et dont les débats internes ressemblent à une guerre d’idéologie totalement irrationnelle et déconnectée du terrain. Une approche démocratique doit être systématiquement encouragée.

Voir aussi notre article Éduquer à la vie

Ecrit avec Louis Kune, lycéen engagé